Quel est le meilleur traitement de prévention secondaire dans le cadre de dissection artérielle...
Quel est le meilleur traitement de prévention secondaire dans le cadre de dissection artérielle cervicale: Anti agrégation plaquettaire ou AVK ? Etude TREAT-CAD
Dr Ludovic LUCAS – neurologue- Centre Hospitalier d’Arcachon
Il n’existe pas à ce jour de recommandation claire sur le traitement anti thrombotique à instaurer en cas de découverte d’une dissection artérielle cervicale récente responsable de symptômes locaux et/ou neurovasculaires. L’étude Cervical artery dissection in stroke study (CADISS) - première étude comparant AVK vs anti agrégation plaquettaire (simple ou double anti agrégation) – n’avait pas monté de différence entre les options thérapeutiques en raison notamment d’une trop faible occurrence de survenue d’infarctus cérébraux (IC) dans les 2 groupes. La démonstration d’une différence justifierait selon les auteurs d’inclure 10.000 patients vs. 250 dans l’étude CADISS.
TREAT-CAD est une étude prospective, multicentrique (10 centres répartis en Suisse, Allemagne et Pays-Bas) ayant inclus des patients présentant une dissection artérielle cervicale (carotide interne, vertébrale ou multiples respectivement dans 66%, 35% et 2% des cas), datant de moins de 2 semaines. L’objectif de TREAT-CAD était de montrer une non-infériorité de l’Aspirine par rapport aux AVK. Les patients ont été randomisés dans 2 bras : 300mg d’Aspirine/j, ou AVK avec INR cible entre 2 et 3 (dont 54% avec HBPM en association initiale). Le critère de jugement principal était composite, comprenant des critères cliniques (IC/AIT, hémorragie cérébrale (HC), décès) évalués à J14 et J90, associé à des critères IRM (IC dont silencieux, HC dont silencieuse par rapport à l’IRM initiale) évalués à J14 uniquement.
Cent quatre-vingt-quatorze patients ont été inclus dont 173 dans l’analyse per protocole. La survenue du critère composite a été observée dans 23% des 91 patients du groupe Aspirine contre 15% des 82 patients du groupe AVK, ne permettant donc pas de conclure à une non-infériorité de l’Aspirine. Durant le suivi, aucun patient du groupe AVK n’a présenté d’infarctus cérébral contre 7 cas (8%) dans le groupe Aspirine. Il s’agissait d’une récidive pour 5 d’entre eux, tous dans la première semaine de suivi. Une seule hémorragie grave (digestive) a été à déplorer, uniquement dans le groupe AVK (1%). Le critère d’anomalie IRM a été retrouvé chez 20 (22%) patients du groupe aspirine (9 IC, 9HC, 2 IC+HC) dont 6 ont été corrélés a des symptômes (uniquement des IC) et 11 (13%) patients du groupe AVK (6 IC, 4HC, 1 IC + HC), tous asymptomatiques. Bien que les critères IRM étaient retrouvés plus fréquemment que les critères cliniques, la restriction de l’analyse uniquement à ces derniers ne montra toujours pas de non-infériorité de l’aspirine.
Ces résultats sont concordants avec l’étude CADISS cependant avec un taux plus importants d’infarctus cérébraux survenus dans le groupe Aspirine. Les auteurs avancent plusieurs hypothèses pour expliquer cette différence : i) l’utilisation d’une double anti agrégation plaquettaire dans CADISS pouvant réduire le risque d’infarctus en cas de minor stroke, ii) plus d’occlusion sur dissection et/ou dissection multiple dans le groupe aspirine, iii) plus grande proportion d’occlusion vertébrale dans le groupe AVK (42% contre 30%), iv) la moitié des patients du groupe AVK ont bénéficié d’HBPM à dose curative permettant une meilleure couverture au décours immédiat de la randomisation. De façon contre-intuitive, plus d’hémorragie cérébrale à l’IRM ont été retrouvées dans le groupe Aspirine (11 contre 5 dans le groupe AVK, toutes asymptomatiques). Cependant, parmi les facteurs confondants, le recours à des techniques de recanalisation était plus fréquent dans le groupe aspirine (13% de thrombolyse et 3% de Thrombectomie) que dans le groupe AVK (9% et 1% respectivement). Malgré ces résultats, les auteurs rappellent, à juste titre, que le design de cette étude de non-infériorité ne permet en aucun cas d’évoquer que l’aspirine puisse être moins efficace que les AVK dans cette indication.
En conclusion, dans la quête d’administration du traitement de prévention secondaire le plus adapté au bon patient, il est nécessaire de réaliser de nouvelles études dont le design devra s’inspirer des points forts et points faibles de CADISS et TREAT-CAD. La différence d’efficacité entre ces deux traitements se trouvent peut être sur des sous-populations : i) patients à risque élevé de récidive d’IC (IC inaugural, sténose serrée ou occlusion artérielle, thrombus flottant), ii) Minor stroke ou infarctus volumineux, iii) pattern lésionnel évocateur d’un mécanisme embolique ou d’un mécanisme hémodynamique.
Bibliographie
Aspirin versus anticoagulation in cervical artery dissection (TREAT-CAD): an open-label, randomised, non-inferiority trial. Engelter ST, et al. Lancet Neurol. 2021 May;20(5):341-350. doi: 10.1016/S1474-4422(21)00044-2. Epub 2021 Mar 23.PMID: 33765420
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