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Antithrombotiques, cavernomes cérébraux et risque hémorragique

Antithrombotiques, cavernomes cérébraux et risque hémorragique : étude de cohorte et revue systématique par Dr Cécile PRETERRE, CCA UNV, Nantes


Les cavernomes cérébraux (CCM pour Cerebral cavernous malformations) représentent le 2ème incidentalome vasculaire cérébral le plus fréquent. Le risque de saignement des CCM (d’environ 1% par an) est d’autant plus élevé qu’il existe un antécédent d’hémorragie cérébrale (risque proche de 5% par an). Par ailleurs, environ un quart des patients avec CCM pourraient relever d’un traitement antithrombotique (préventif de pathologies cardiovasculaires diverses). En l’absence de guidelines sur le risque hémorragique cérébral chez ces patients, les experts contre-indiquent les anticoagulants, et ne recommandent pas l’utilisation des antiaggrégants plaquettaires. Pourtant, quelques études observationnelles ont suggéré un moindre risque hémorragique cérébral des antithrombotiques en cas de CCM. L’objectif de cette étude (1) était donc d’évaluer l’effet du traitement antithrombotique sur le risque hémorragique cérébral et sur la survenue d’un déficit neurologique focal chez des patients adultes porteurs de CCM.

L’étude de cohorte prospective s’est faite à partir du SAIVM (Scottish Audit of Intracranial Vascular Malformations). Le critère de jugement principal, évalué en aveugle, était un score composite de survenue d’une hémorragie cérébrale ou de signes neurologiques focaux attribuables au CCM. Par ailleurs, les auteurs ont effectué une revue de la littérature ainsi qu’une méta-analyse avec comme critère de jugement principal la survenue d’une hémorragie cérébrale (critère de jugement secondaire dans la cohorte SAIVM) après le diagnostic de CCM (calcul d’un Incident Rate Ratio : IRR).

Parmi les 300 patients de la cohorte SAIVM (1), 61 patients étaient dans le groupe traitement antithrombotique (dont 10 patients soit 16% sous anticoagulants) (plus de la moitié étant déjà sous antithrombotique avant le diagnostic de CCM), contre 239 patients dans le groupe sans traitement antithrombotique. La médiane de suivi était de 11,6 ans et la durée moyenne de traitement de 7,4 ans. Les deux groupes n’étaient pas comparables sur certains aspects importants : les patients étaient plus âgés (âge médian 57 contre 39 ans, p <0.0001) et avaient moins de CCM hémorragique dans le groupe avec traitement antithrombotique (8% contre 20%, p = 0.035). Avec la survenue d’un seul évènement (2%) contre 29 évènements (12%), les auteurs ont mis en évidence une diminution significative du risque de survenue d’hémorragie cérébrale ou de signes neurologiques focaux dans le groupe avec traitement antithrombotique (HR 0.12, 95% IC 0.02-0.88, p=0.037).

La méta-analyse (1-5) a porté sur 5 études de cohortes mono-centriques non randomisées, en plus de la cohorte SAIVM. Parmi les 1342 patients, 81% n’avaient pas de traitement antithrombotique, 15% étaient sous antiaggrégants plaquettaires et 3% sous anticoagulants. L’utilisation d’un traitement anti-thrombotique était associée, de façon significative, à un moindre risque d’hémorragie cérébrale (3% contre 14%, IRR 0.25, 95% IC 0.13-0.51, p<0.0001). Parmi les 8 hémorragies cérébrales survenues sous traitement antithrombotique (contre 152 dans le groupe sans traitement), seule une est survenue sous anticoagulants.

Retenons le principal biais de sélection de cette étude, dû au caractère non randomisé des études, avec un groupe de patient sous antithrombotique peut-être moins à risque de saignement. Quoi qu’il en soit nous pouvons être rassurés pour notre pratique clinique courante vis-à-vis de l’utilisation d’antithrombotiques chez les patients avec CCM, qui pourraient même prévenir la survenue d’hémorragies cérébrales. Ce dernier point, qui va dans le même sens qu’un des résultats inattendus de l’étude RESTART (6) avec la mise en évidence d’une réduction, sous antithrombotiques, du risque de récidive d’hémorragie cérébrale après un AVC, devra bien sûr être vérifié au sein d’un essai contrôlé randomisé. Concernant les CCM, le risque hémorragique et la survenue de symptômes neurologiques focaux pourraient être liés à la formation de thrombus au sein des cavités sanguines du cavernome lui-même ou de malformations veineuses associées.



1. Zuurbier SM, Hickman CR, Tolias CS et al; Scottish Audit of Intracranial Vascular Malformations Steering Committee. Long-term antithrombotic therapy and risk of intracranial haemorrhage from cerebral cavernous malformations: a population-based cohort study, systematic review, and meta-analysis. Lancet Neurol. 2019 Aug 6. pii: S1474-4422(19)30231-5. 2. Bervini D, Jaeggi C, Mordasini P, et al. Antithrombotic medication and bleeding risk in patients with cerebral cavernous malformations: a cohort study. J Neurosurg 2018; June 1. DOI:10.3171/2018.1.JNS172547. 3. Flemming KD, Link MJ, Christianson TJ, et al. Use of antithrombotic agents in patients with intracerebral cavernous malformations. J Neurosurg 2013; 118: 43–46. 4. Schneble HM, Soumare A, Herve D, et al. Antithrombotic therapy and bleeding risk in a prospective cohort study of patients with cerebral cavernous malformations. Stroke 2012; 43: 3196–99. 5. Wityk RJ, Chik Y, Hoffberger J, et al. Risk of bleeding from antithrombotic agents (AT) in patients with cerebral cavernous malformations (CCMs). American Academy of Neurology 66th Annual Meeting, Philadelphia, PN, USA. Neurology 2014. 6. Al-Shahi Salman R, Minks DP, Mitra D et al; RESTART Collaboration. Effects of antiplatelet therapy after stroke due to intracerebral haemorrhage (RESTART): a randomised, open-label trial. Lancet. 2019 Jun 29;393(10191):2613-2623.

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