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Risque hémorragique et ischémique chez les survivants d’une hémorragie cérébrale : un dilemme...

Risque hémorragique et ischémique chez les survivants d’une hémorragie cérébrale : un dilemme clinique en cours de résolution ?.


par Marco Pasi, MD, PhD, Service de Neurologie vasculaire, Hôpital Roger Salengro, Lille


Les hémorragies intracérébrales non traumatiques (HIC) représentent environ ¼ de tous les accidents vasculaires cérébraux (AVC).1 De nombreuses études ont clairement démontré que les HIC présentent un pronostic fonctionnel sombre à court terme : seuls 12 à 39 % des patients seront indépendants à 6 mois.1 On relève également une mortalité élevée à court terme qui peut atteindre, selon les études, jusqu’à 60 % à 1 mois.1 En partie lié à ce sombre pronostic à court terme, le devenir à long terme des patients victimes d'une HIC, est, quant à lui, moins bien connu. Les survivants d’une HIC sont à haut risque de récidive, de nouveaux événements ischémiques intra ou extra cérébraux, et de développer des troubles cognitifs. Tous ces facteurs peuvent avoir un impact sur la mortalité, la perte d’autonomie et la qualité de vie au long cours.


Les survivants d’HIC présentent souvent un profil cardiovasculaire à haut risque et la gestion des traitements en prévention d’événements thromboemboliques intra ou extra cérébraux après l’HIC est particulièrement difficile. Il faut en effet trouver un équilibre entre les bénéfices des traitements préventifs d’événements ischémiques, tels que les antithrombotiques (antiagrégant et anticoagulant) et hypolipémiants, et leur propension à augmenter le risque de re-saignement. Une première approche consiste à identifier des facteurs cliniques et radiologiques pouvant stratifier les patients en différentes catégories de risque hémorragique vs. ischémique.


Dans une cohorte prospective de 310 survivants d’une HIC, Casolla et coauteurs rapportent qu’à 5 ans de l’HIC, 1 patient sur 5 a subi un événement vasculaire majeur.2 Les auteurs ont également démontré que le risque hémorragique ou ischémique varie de façon significative selon la localisation de l’HIC. Chez les patients ayant une HIC profonde, l'incidence d'événements ischémiques majeurs (intra ou extra cérébraux) était 6 fois plus élevée que l'incidence d'événements hémorragiques. Au contraire, la localisation lobaire de l’hémorragie était associée à un risque accru d’évènements hémorragiques.


Dans une étude récente portant sur des données individuelles de patients ayant subi une première HIC provenant de deux cohortes de population, les auteurs ont identifié la localisation lobaire comme le principal facteur de risque d'HIC récurrente et la présence de fibrillation auriculaire comme le principal facteur de risque d'AVC ischémique et d’événements vasculaires graves.3 En combinant la localisation de l'hématome et la présence de fibrillation auriculaire, les auteurs ont démontré que le risque de récurrence hémorragique cérébrale ne dépassait le risque d'AVC ischémique que chez les patients atteints d'HIC lobaire et ne présentant pas de FA. Ce résultat souligne l'importance de réduire le risque d'événements thromboemboliques si l'on veut réduire le risque global d'AVC après une HIC.


Dans la pratique de tous les jours, il semble à présent raisonnable après les résultats de l’étude RESTART de proposer la réintroduction après l’HIC un traitement antiagrégant chez les patients à haut risque d’événement vasculaire ischémique.4 La question concernant la réintroduction d’un traitement anticoagulant est plus complexe. Des études observationnelles suggèrent que la reprise de traitements anticoagulants chez les patients atteints d’une hémorragie cérébrale et présentant une fibrillation auriculaire n'est pas associée à un taux plus élevé de récidive hémorragique mais serait cependant liée à une diminution de la mortalité et a un meilleur pronostic fonctionnel, même chez les patients présentant une angiopathie amyloïde cérébrale.5 Toutefois, ces données sont issue d’études non randomisées et strictement observationnelles. Au cours de l’European Stroke Organisation Conference 2021 qui vient de se conclure, les résultats de 2 essais randomisées (SoSTART, étude pilote visant à évaluer la non infériorité du traitement anticoagulant après HIC chez les patients présentant une fibrillation auriculaire; APACHE-AF, étude de phase 2, qui évalue l’effet de la reprise d’un traitement anticoagulant [Apixaban 5 mg x2] après HIC sur la survenue de tout accident vasculaire cérébral) ont été présentés mais ne nous permettent pas d’établir de conclusions définitives. Heureusement, 5 essais randomisés sont en encore en cours : ils permettront entre autre d’évaluer l'impact de la maladie des petites artères sous-jacente (et l’effet de la localisation de l’hématome) sur le potentiel bénéfice clinique des traitements antithrombotiques après hémorragie cérébrale. Une réponse convaincante ne devrait pas tarder ou du moins nous l’espérons…

REFERENCES :


1) Cordonnier C, Demchuk A, Ziai W, Anderson CS. Intracerebral haemorrhage: current approaches to acute management. The Lancet. 2018;392:1257–1268.


2) Casolla B, Moulin S, Kyheng M, Hénon H, Labreuche J, Leys D, Bauters C, Cordonnier C. Five-Year Risk of Major Ischemic and Hemorrhagic Events After Intracerebral Hemorrhage. Stroke. 2019;50:1100–1107.


3) Li L, Poon MTC, Samarasekera NE, Perry LA, Moullaali TJ, Rodrigues MA, Loan

JJM, Stephen J, Lerpiniere C, Tuna MA, Gutnikov SA, Kuker W, Silver LE, Al-Shahi

Salman R, Rothwell PM. Risks of recurrent stroke and all serious vascular events

after spontaneous intracerebral haemorrhage: pooled analyses of two population-

based studies. Lancet Neurol. 2021;20:437-447.


4) RESTART Collaboration. Effects of antiplatelet therapy after stroke due to

intracerebral haemorrhage (RESTART): a randomised, open-label trial. Lancet.

2019 Jun 29;393(10191):2613-2623.


5) Biffi A, Kuramatsu JB, Leasure A, Kamel H, Kourkoulis C, Schwab K, Ayres AM, Elm J, Gurol ME, Greenberg SM, et al. Oral Anticoagulation and Functional Outcome after Intracerebral Hemorrhage. Annals of Neurology. 2017;82:755–765.



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